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Écrans & Carrières | Jacky Goldberg : fondateur du C.L.A.C., entre journalisme et réalisation, un parcours inspiré par le cinéma

Interviews

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10.07.2024

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Nous sommes ravis de vous présenter une nouvelle interview d’un ancien élève d’emlyon, réalisée par les étudiants du Bureau des Arts (BDA). Aujourd’hui, c’est Jacky Goldberg qui se prête au jeu. Correspondant cinéma aux Etats-Unis pour Les Inrockuptibles et réalisateur, il partage avec nous son parcours éclectique, entre critique de films, réalisation et organisation d’événements culturels. Créateur du festival C.L.A.C., fondé en 2005, Jacky revient sur ses débuts à emlyon et nous dévoile comment sa passion pour le cinéma a façonné sa carrière. 


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Description générée automatiquement  

Jacky Goldberg lors du C.L.A.C. 2024 

 

Tu es à la fois réalisateur et journaliste culturel. Peux-tu nous expliquer comment ces deux métiers s'influencent mutuellement ? 

Bien sûr. Ces deux activités sont en réalité très liées pour moi. Le journalisme me permet de satisfaire ma curiosité insatiable et de découvrir des univers variés qui m'inspirent pour mes films. Être journaliste, ce n'est pas seulement écrire sur le cinéma, même si c'est par là que j'ai commencé en tant que critique. Je n'ai pas suivi une école de journalisme traditionnelle ; j'ai étudié à Sciences Po Bordeaux et à emlyon, et c'est par ma passion pour le cinéma que je suis entré dans le journalisme. Ma carrière de journaliste m'a permis de diversifier mes sujets d'écriture, allant des questions culturelles aux sujets de société et de politique. Dès que quelque chose m'intéresse, où que je sois – par exemple à Los Angeles – je propose un article à différents journaux et, si l'un d'eux accepte, je l'écris. Ce rôle de journaliste, d'observateur et de témoin m'a énormément inspiré pour mes films. Par exemple, mon dernier court-métrage, « Dilemme, Dilemme » est né d'un article que j'avais écrit sur une application de rencontres pour complotistes. 


Tu as mentionné « Dilemme, Dilemme » peux-tu nous en dire plus sur l'inspiration derrière ce film ? 

Bien sûr. Dilemme, Dilemme raconte l'histoire de deux complotistes qui se rencontrent pour un premier rendez-vous. Ils se sont rencontrés via une application de rencontres spécifique pour complotistes appelée Awake Dating. C'est en écrivant un article pour GQ sur cette application que l'idée du court-métrage m'est venue. Je me suis demandé à quoi pourrait ressembler un rendez-vous entre deux complotistes : de quoi parleraient-ils, quelle serait leur dynamique ? Le fait d'écrire sur ce sujet a stimulé mon imagination et a donné naissance à ce film. 


Penses-tu que ta formation à emlyon a influencé ta carrière ? 

Un cours m'a particulièrement marqué : le cours de négociation. Cette compétence est essentielle et devrait être enseignée partout. La négociation, c'est l'art de trouver un compromis où tout le monde se sent gagnant. C'est une compétence que j'ai apprise à emlyon et que j'utilise constamment, que ce soit dans ma carrière ou dans ma vie personnelle. Par exemple, récemment, lors des délibérations pour attribuer les prix du festival C.L.A.C., nous avons dû négocier pour trouver des compromis acceptables pour tout le monde. C'est là que cette compétence en négociation m'a été extrêmement utile. 


Pourrais-tu revenir sur la genèse du festival C.L.A.C. et comment cela s'est concrétisé ? Qu'est-ce que cette expérience t'a apporté humainement et professionnellement ? 

En fait, j'ai toujours aimé partager la culture. C'est ce qui guide toute ma carrière et même ma vie sociale. J'adore découvrir et faire découvrir des films, des albums, des œuvres d'art, des objets culturels, ou des histoires. C'est quelque chose qui m'a été inculqué par mon père, qui organisait des ciné-clubs et d'autres activités culturelles. Il m'a transmis cette passion non seulement pour la découverte, mais aussi pour le partage. Ce désir de partager m'a aussi conduit à devenir critique de cinéma. Mon travail de journaliste consiste à observer, comprendre, et raconter des histoires. Lorsque je découvre quelque chose de fascinant, ma première envie est de le raconter à mes amis. Si cela résonne, j'en fais un article pour une audience plus large. Pour ce qui est du C.L.A.C., l'idée était de créer un événement où nous pourrions partager nos découvertes cinématographiques avec un public. Le festival est vraiment le lieu idéal pour cela. Quand j'étais à emlyon, j'ai réalisé qu'il manquait un festival de cinéma. L'idée de créer le C.L.A.C. était aussi de me pousser, moi et mes camarades, à réaliser des films, même si cela signifiait faire des œuvres amateurs avec les moyens du bord. Au début, nos films étaient très amateurs, tournés avec des mini caméras DV car nous n'avions pas encore de bonnes caméras sur les smartphones comme aujourd'hui. Mais cette expérience a été cruciale pour moi. Mon premier film n'était pas génial, mais il m'a donné envie d'en faire d'autres. C'est en commençant par un échec que l'on progresse. Personne n'est excellent dès le départ. C'était surtout un prétexte pour mettre le premier pied dans cet univers, quitte à se planter ! 


Je trouve que, via la création du C.L.A.C., tu as redonné toute sa signification au mot "partage".  D'une part, partager un message ou une œuvre qui est en toi, et d'autre part, créer un événement où tout le monde se réunit pour découvrir des films ensemble, vivre une expérience commune. C'est un moment sensoriel partagé qui donne tout son sens au mot "partage". 

Exactement. Je suis entré à emlyon avec l'objectif de devenir producteur de films, c'est ce que j'avais présenté lors de mon oral d'admission. Le festival C.L.A.C. m'a permis de mettre un pied dans cet univers, non pas en produisant directement, mais en valorisant et en permettant à mes collègues de réaliser leurs films. Organiser ce festival, faire les sélections, a été une manière d'encourager la création et de donner une plateforme à nos œuvres, même amateurs. Humainement, cela m'a appris l'importance du travail d'équipe, de la négociation, et de la gestion de projets artistiques. Professionnellement, cela a été le premier pas vers ma carrière dans le cinéma. Le C.L.A.C. a été une véritable étincelle qui a lancé ma carrière et m'a donné la confiance nécessaire pour continuer à créer et à produire des films. 


Est-ce que tu avais une vision claire de ton parcours et à quel moment t’es-tu dit que tu en étais satisfait ? 

Pas du tout. Quand j'étais à emlyon, je pensais vraiment que j'allais travailler dans la production. Je n'avais pas d'autre ambition. Je ne me voyais pas réalisateur, je pensais que ce n'était pas pour moi, que je n'avais pas assez de choses à dire. Faire ce premier film dans le cadre du festival C.L.A.C. était envisagé comme un geste amateur que j'allais peut-être refaire pour m'amuser, mais je ne pensais pas que cela deviendrait ma carrière. Je ne pensais pas non plus que le journalisme serait ma carrière. À l'époque, j'écrivais déjà des critiques sur des forums et pour des publications en ligne, des fanzines, des webzines, mais cela ne me semblait pas un projet professionnel cohérent et acceptable pour gagner ma vie. Je me projetais vraiment dans la production. À Sciences Po, j'ai commencé à m'intéresser à la culture de manière générale. Ensuite, en Espagne, j'ai fait une licence de cinéma et là, je me suis dit que c'était vraiment le cinéma que j'aimais. Cependant, je ne me voyais pas réalisateur. Je pensais plutôt à continuer mes études, apprendre le business et devenir producteur. C'est ce que j'avais vendu à mes parents, et c'est ce que j'ai défendu à l'oral d’emlyon. En sortant d’emlyon, j'ai passé des entretiens pour un stage dans une boîte de production. En parallèle, j'avais envoyé mon CV aux Inrockuptibles sans trop d'espoir, mais ils m'ont répondu et j'ai eu les deux offres en même temps. La boîte de prod n'a pas retenu ma candidature, donc j'ai fait ce stage aux Inrocks. Pour moi, c'était temporaire, le temps de trouver un vrai job dans la production. Ce stage a complètement changé ma vie. J'ai adoré écrire sur les films, et apparemment, j'étais assez bon puisque j'ai été prolongé et, à la fin du stage, on m'a proposé un emploi. J'ai accepté, bien sûr. Cela m'a éloigné de mon idée initiale de devenir assistant de production. J'étais prêt à commencer au bas de l'échelle, mais le journalisme m'a pris et je n'ai pas regretté. J'ai dû faire des jobs alimentaires à côté, comme serveur, pour joindre les deux bouts, mais j'étais heureux. Je n'avais pas de vision claire de ma carrière. C'était une suite de rencontres, de hasards et de chances. Pour les Inrocks, j'étais au bon endroit au bon moment. Côté production, j'avais toujours cette envie et avec mon meilleur ami, qui voulait aussi devenir réalisateur et producteur, nous avons créé une boîte de prod, Vycky Films. Nous avons produit nos premiers films respectifs, ce qui a été une aventure formidable. La réalisation s'est ajoutée petit à petit. Après ce premier film amateur à emlyon, j'ai écrit un scénario plus construit et j'ai gagné un concours qui m'a permis de financer mon film L'Enclave, sélectionné à Clermont-Ferrand. C'est là que j'ai compris que réaliser des films, c'était vraiment ce que je préférais faire. Aujourd'hui, j'écris, réalise et produis des films. Ces trois activités sont complémentaires mais assez différentes. Je suis heureux de pouvoir faire ces trois choses, même si je fais moins de production maintenant. 


À emlyon, j'ai beaucoup d'amis qui s'intéressent au milieu de la culture. Quels conseils donnerais-tu à des personnes qui souhaitent entrer dans ce domaine ? Aussi, penses-tu que les règles du jeu ont changé en vingt ans ? Quelles recommandations ferais-tu à quelqu'un dans ton cas aujourd'hui ? 

La première chose, c'est qu'il ne faut pas avoir de fortes prétentions salariales. C'est une évidence, mais il est important de le rappeler. Dans la culture, on est souvent moins payé que dans la finance ou le luxe, par exemple. Les ressources sont limitées, que ce soit dans les boîtes privées ou les fondations. Certes, il y a des exceptions comme la Fondation Vuitton ou Pinault où les salaires peuvent être élevés, mais en général, il faut s'attendre à des rémunérations plus modestes en début de carrière. Le deuxième conseil est qu'il faut se jeter corps et âme dans l'amour de l'art. Il ne suffit pas que ce soit juste un hobby ou un passe-temps. Beaucoup de gens aiment la culture, vont au cinéma, écoutent de la musique, visitent des musées. Mais pour travailler dans ce domaine, il faut une véritable passion, une flamme intérieure. Je vois trop de gens dans la culture qui, lorsqu'on discute avec eux, ne semblent pas vraiment brûler pour ce qu'ils font. Ils pourraient aussi bien travailler dans un autre secteur, sans réelle passion. Pour réussir et aller loin dans la culture, il faut que ce soit la chose la plus importante dans ta vie. Moi, j'étais prêt à gagner mille euros par mois pendant des années, tandis que mes camarades d’emlyon gagnaient trois ou quatre fois plus. Mais pour moi, être dans une salle de cinéma et écrire sur des films était ce qui comptait le plus. Je pense qu'il est impossible de vraiment réussir dans ce domaine sans une passion brûlante. Si ce n'est pas le cas, tu ne vas pas très loin. Pour moi, c'était la chose la plus importante, et c'est pour cela que ce n'était pas si grave de ne pas avoir un salaire élevé au début. Je savais que je faisais quelque chose qui me nourrissait intellectuellement et émotionnellement. En bref, il faut accepter les sacrifices financiers et s'engager pleinement dans sa passion. Ce n'est pas un métier que l'on peut faire à moitié. Si tu es prêt à tout donner pour ta passion, alors tu trouveras ta place dans ce domaine. Sinon, il vaut mieux chercher une autre voie. 


En me renseignant sur toi, j'ai instinctivement commencé à taper ton prénom sur LinkedIn et je n'ai rien trouvé. Est-ce parce que tu n'utilises pas ce réseau social ? Quelle place accordes-tu au réseautage dans ton métier ?  

En effet, je n'utilise pas LinkedIn. Pour être honnête, je n'ai jamais ressenti le besoin de l'utiliser pour ma carrière. Le réseautage, tel qu'il est pratiqué sur LinkedIn, ne fait pas vraiment partie de mon monde professionnel. Dans le journalisme et le cinéma, les relations se construisent souvent de manière plus informelle et personnelle. En vingt ans de carrière, j'ai envoyé mon CV seulement deux fois. La première fois, c'était pour mon stage aux Inrockuptibles juste après l'école, et récemment pour un concours à l'ONU que j'ai finalement réussi. Mis à part cela, les opportunités sont venues à moi sans que j'aie besoin de postuler de manière formelle. Le réseautage est important, certes, mais il ne s'est pas manifesté de la même manière que dans d'autres secteurs comme la finance ou le conseil. J'ai des amis de ma promo qui travaillent dans la culture, comme un ami qui fait de la pub à un haut niveau, mais nos interactions sont restées personnelles plutôt que professionnelles. Pour ce qui est des contacts professionnels, j'ai rencontré des gens comme Anne-Claire Jaulin à des festivals de cinéma, comme le C.L.A.C.. Ces rencontres se font souvent dans des contextes où nous partageons des intérêts communs, et cela crée des relations solides et authentiques. En bref, mon parcours professionnel s'est construit sur des rencontres et des hasards, plutôt que sur un réseautage formel. Les opportunités viennent plus souvent par des contacts personnels et informels que par des réseaux professionnels traditionnels. 


Interview réalisée par Arno EPSTEIN & Lou KATZENMAYER, 

membres de l'association étudiante du Bureau des Arts

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